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StrangerInTheNet : Blog à part
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23 décembre 2006

Drôle d'article

Nichane



















 

J’appréciais beaucoup les articles et chroniques de la journaliste Sanaa Elaji lorsqu’elle travaillait à Assa7raa Lmaghribiya , et je continue à apprécier son travail conjointement dans les deux revues La Citadine et Nichane. D'ailleurs, le blog de Sanaa figure parmi la liste de mes blogs favoris.

Dans le numéro 91 de la revue Nichane, hebdomadaire de langue arabe (qui n’est que la version arabophone de la célèbre revue Telquel, et dans l’article intitulé « Comment les marocains rient de la religion, du sexe et de la politique », Sanaa Elaji nous propose comme à son accoutumée, et avec un professionnalisme certain, une intéressante étude sociologique sur l’évolution de la blague au Maroc, en mettant l’accent sur ce qu’elle appelle la « sainte trinité » qui régit ce domaine : le sexe, la religion et la politique.

Elle nous parle des blagues régionales (sur les fassis, les marrakchis, les soussis, les berkanis et autres), des blagues crées par l’imaginaire populaire en vue de commenter les faits marquants qui les influencent et dont elles subissent l’influence (Statistiques nationales, code de la famille, le tremblement de terre d’El Hoceima, les inondations, les attentats du 146 mai, les élections…), les blagues sur des personnalités politiques marquantes (Khatri El Jommani, Driss Basri, Arsalan El Jadidi), des blagues sur le symbole de la Nation : Sa Majesté Mohammed VI (et sur feu Hassan II, avant lui), ainsi que des blagues sur des personnes tout à fait normales ou alors des islamistes barbus, et enfin les blagues religieuses (Blagues sur Allah, le prophète Sidna Mohammed, les anges et Iblis (Satan))

Elle ne pouvait pas manquer d’évoque l’humour télévisuel ou ce qu’elle appelle : la plaisanterie présente/absente, en considérant que la télévision marocaine ne fait pas rire ses concitoyens du fait que la « sainte trinité » sus-citée n’y trouve pas sa place.

Mais un hic subsiste. Malgré le professionnalisme et le sérieux de l’article précité, ces qualités indéniables sont gravement compromises par les blagues provocantes, stupides et inutiles d’un humour plus que douteux qui y sont répertoriées, la plupart dans des encarts, bien visibles : blague sur Abi Horayra (l’un des compagnons du Prophète) ainsi que le Prophète Sidna Mohammed en personne, sur Dieu (Allah) et diverses blagues sur des islamistes, une blague sur Driss Basri et feu Hassan II, et deux sur Mohammed VI. Et en dehors de l’article incriminé, quelques pages plus loin, l’on peut même voir une caricature (miniature délibérée ?) du plus Haut symbole de la Nation représenté comme étant assis en face d’une télé et pleine séance de zapping.

 

A la lecture de cet article transformé (probablement par la rédaction de la publication) en recueil plaisant, l’on finit par se demander sur la finalité de l’article en question. S’agit-il d’un article dénonciateur, provocateur, d’une satyre, ou simplement d’un travail journalistique qui rapporte objectivement des faits donnés ?

L’on pourrait également se demander qui est le plus provocateur ? Celui qui énonce des provocations ? Ou celui qui les rapporte ?

En effet, ce que la journaliste semble avoir négligé, c’est que certains écrits sont pénalement incriminés en eux-mêmes : la liberté d'expression est une liberté fondamentale, certes, mais il n'existe aucune liberté générale et absolue. C’est ainsi qu’on trouve dans la célèbre déclaration (française) des droits de l'homme et du citoyen (article 11) que « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ». Or, et en l'espèce, la loi qui s'applique est le code de la Presse et de l'édition, notamment l'article 41 qui dispose :

« Est punie d’un emprisonnement de 3 à 5 ans et d'une amende de 10.000 à 100.000 dirhams toute offense, par l'un des moyens prévus à l'article 38, envers Sa Majesté le Roi , les princes et princesses Royaux.
La même peine est applicable lorsque la publication d’un journal ou écrit porte atteinte à la religion islamique , au régime monarchique ou à l’intégrité territoriale.
En cas de condamnation prononcée en application du présent article , la suspension du journal ou de l’écrit pourra être prononcée par la même décision de justice pour une durée qui n’excèdera pas trois mois.
Cette suspension sera sans effet sur les contrats de travail qui liaient l’exploitant , lequel reste tenu de toutes les obligations contractuelles ou légales en résultant.
Le tribunal peut prononcer , par la même décision de justice, l’interdiction du journal ou écrit »
.

En d’autres termes, on ne peut pas exercer la profession de journaliste – voire même d’humoriste - dans un pays dont la devise est « Dieu, La Patrie, Le Roi » sans respecter un tant soit peu cette dernière, et force est de constater que l’article en question a gravement ébranlé les première et troisième constituantes fondamentales de cette devise

Désolé Sanaa, ton article est sérieux et bien ficelé, mais tu as foncé tête baissée et Nichane vers l’imprudence, pour ne pas dire la témérité, car tes « blagues » sont profondément indéfendables.

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Commentaires
M
Toutes ces blagues n'ont été inventées ni par Sanaa ni par Nichanes. Elles proviennent directement des marocains qui en rient, donc bel est bien existante. En assumant ces blagues Nichane en pleur maintenant !<br /> Je l'ai déjà dit dans un précédent commentaire et j'en suis convaincu : Au Maroc tout est interdit et permis dans la condition que c fait en cachette !
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O
tout le monde sait l'essor et l'ampleur que prend l'affaire NICHANE, ils risquent gros.<br /> Et pour ton info, Sanaa ne travaille plus avec Citadine depuis bien des mois. Actualiser
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S
Je ne saurai te cacher que l'existence d'arguments d'ordre juridique étayant ta position me réconforte.<br /> <br /> Le fait est que, revendiquant une liberté de la presse qu'il m'a toujours été question de défendre corps et âme, il me semble que cette liberté tend de plus en plus à être usée à tort et à travers. Sa finalité première, qui n'est autre, pour ma part, qu'un but de dénonciation, de déconstruction de prérogatives sociales et politiques qu'il est grand temps de changer, disparait pour tomber dans une vacuité et une vulgarité qui n'avancent pas les choses, voire, pis, les dégradent.<br /> <br /> Dans son dernier numéro (n° double 253-254, p.8), on peut lire un communiqué de Nichane, intitulé "une interdiction illégale", en réaction à la décision du Premier Ministre marocain d'interdire la diffusion de l'hebdomadaire sur la voie publique à l'échelle du territoire national.<br /> <br /> Je cite :<br /> 'Or, l'article 66 du code de la presse ne donne en aucun cas au Premier Ministre le pouvoir d'interdire définitivement un titre de presse. Selon cet article, 'le Premier ministre peut interdire la diffusion sur la voie publique de toute publication contraire à la moralité publique'. Que le numéro de Nichane sur les blagues marocaines soit 'contaire à la morale publique', c'est à la justice de le déclarer [...]."<br /> <br /> Un simple coup d'oeil au site du Ministère de la Communication révèle une version 'légèrement' différente dudit article :<br /> <br /> "Indépendamment des poursuites judiciaires qui pourraient être intentées en application du présent Dahir, le Premier ministre et les autorités administratives locales dans les limites de leur compétence territoriale peuvent interdire, par arrêté motivé l'exposition sur les voies publiques et dans tous les lieux ouverts au public, ainsi que la diffusion par quelque moyen que ce soit sur la voie publique, de toute publication contraire à la moralité publique ou nuisible à la jeunesse."<br /> <br /> De ce fait, et bien indépendamment de toute sorte de poursuite judiciaire, et outre une atteinte à la morale publique qui ne saurait être jugée par l'équipe même de rédaction de Nichane, il m'est d'une évidence que ce genre de publications est nuisible à la jeunesse, quoiqu'on puisse en redire. Religion, sexe et politique, trois débats qu'on ne devrait médiatiser ni vulgariser de la sorte.
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