Croyants Vs Incroyants : un mimétisme inconscient et inversé (seconde partie)
Et c'est reparti pour un tour, car il faut croire que le sujet de
l'athéisme me fascine, de mon point de vue de croyant, et j'essaye tant
bien que mal à dégager les tenants et les aboutissants de ce phénomène.
Winfried Schröder a écrit : « …l’athéisme est la traduction philosophique d’une rébellion contre les religions… »
Il
en ressort que l’athéisme est un produit direct de la religion tout en
en constituant une dissidence. Son historique et son évolution sont
parallèles à ceux des religions. Pour étayer cette affirmation, je cite
Lucien Febvre : «…l’incroyance varie avec les époques. Elle varie
parfois très vite. Comme varient les notions sur lesquelles d’aucuns
s’appuient pour nier... »
C’est ainsi qu’il existe un athéisme
post-mythologique grec (Epicure, Démocrite, Socrate), ainsi qu’un
athéisme post-judaïque, post-chrétien et enfin post-islamique. On en
déduit que l’athéisme ne peut être inné : on ne naît pas athée, on le
devient !
Croyants et athées s’accordent sur le fait qu’aussi
bien l’existence de Dieu que son inexistence ne peuvent être prouvées.
On peut logiquement en conclure que les athées sont des images
inversées des croyants. L’on peut dans le même sens en déduire que les
démarches des croyants et des incroyants peuvent être mises sur le même
plan, quoique diamétralement opposées dans la mesure où la démarche du
croyant consiste à affirmer l’existence de Dieu alors que la démarche
athée récuse la première. On se trouve en présence de deux sortes de
démarches : l’une affirmative et l’autre négative. Par conséquent,
l’athéisme ne constitue pas seulement une réfutation de la véracité
d’une religion dans son ensemble, mais bien une anti-croyance, une «
croyance inversée ». L’athée ne fait que donner ses opinions sur la
question de l’origine de l’univers et de l’homme, du sens de la vie et
de la mort, et qui sont en totale contradiction avec les explications
religieuses. Et c’est justement la somme de ces opinions qui constitue
la « croyance inversée » : l’athée rejette les définitions religieuses
et nie l'existence d'un quelconque dieu. Il se base sur une « anti-foi
». Il est « croyant ». Il est « sûr » qu'il n'y a pas de créateur, il «
croit » que le monde, la vie, sont dus au hasard. Le croyant et l’athée
ne diffèrent que par le fait de donner des explications du monde qui
les entoure selon l’angle de vision de chacun et de choisir un mode de
vie déterminé.
De ce qui précède, les athées pourront toujours
avancer le fait qu’ils « pensent », « estiment », « considèrent », «
jugent » que Dieu n'existe pas ou qu'il n'existe que dans l'imagination
des croyants. Autant de nuances terminologiques qui ne sont en fin de
compte que des synonymes du verbe « croire ». On lit parfois qu’untel
est devenu athée, et l’on parle souvent de « reconversion », qui
constitue bel et bien un terme religieux. Toujours est-il qu’on ne peut
douter de l'honnêteté et de la « bonne foi » (encore un terme religieux
!! Décidément !!) d'un athée exprimant ses idées en toute sincérité et
dans la certitude d'être dans le bonne voie.
D’autre part,
certains athées estiment que la prise de conscience de leur
non-croyance est comme « une nouvelle naissance…une immense bouffée de
liberté ». Curieusement, il s’agit des mêmes sensations éprouvées par
un païen qui découvre une nouvelle religion, ou par un croyant d’une
religion donnée qui se reconvertit à une autre. L’athée se pose les
mêmes questions que le croyant : sur le but de l’existence, la manière
de vivre, l’éthique, comment traverser les épreuves de l’existence pour
aboutir à la mort, sauf que contrairement aux croyants, l’athée ne se
pose plus de questions au-delà du stade de la mort.
Mais force
est de constater que les athées sont des êtres humains imparfaits (ils
sont d’accord avec les croyants sur ce point) et qu’ils peuvent
présenter les mêmes tares qu’ils reprochent aux croyants. Certains
nouveaux athées peuvent vivre leur « expérience » comme étant une
nouvelle vie, une renaissance, une libération, une émancipation. Ils
voient dans cette « réincarnation » (ou « nouvelle » vie) une victoire
remportée sur la religion, d’où l’éclosion d’une certaine fierté, d’un
certain orgueil. Et lorsqu’ils leur arrive de s’en rendre compte, ces
mêmes athées s’évertuent à faire preuve d’un minimum d’humilité, à
l’instar des croyants (modérés).
Une autre manifestation du
mimétisme athée envers la religion est « matérialisée » par la
spiritualité. A ce sujet, un philosophe athée, André Comte-Sponville,
dans son ouvrage « L’esprit de l’athéisme; Introduction à une
spiritualité sans Dieu », nous explique qu’il est « …urgent de
retrouver une spiritualité sans Dieu, sans dogmes…qui nous prémunisse
autant du fanatisme que du nihilisme ». Une affirmation bien aux
antipodes des préoccupations purement matérielles et propres à
l’athéisme.
Enfin, at last and not at least, il est regrettable
de constater que l’athéisme, tout en étant un pur produit des
religions, a profondément évolué pour aboutir à des « croyances » moins
« intellectuelles » que sont le libertinage, l’épicurisme, le nihilisme
et l’hédonisme.
Et ce n’est pas encore fini.