L'utilisation des radars fixes sera-t-elle illégale ?
L'année dernière, mon père m'avait appellé en me disant qu'il a avait
reçu un PV pour excès de vitesse par la poste. Il m'a assuré ne pas
avoir utilisé sa voiture depuis plus d'un mois et il était étonné qu'un
PV lui soit envoyé, lui qui respectait scrupuleusement le code de la
route.
Je lui ai demandé s'il n'avait pas prêté sa voiture.
Effectivement il l'avait prêtée à mon oncle pendant une demi journée.
Ce même oncle qui a du être "flashé" par l'un des radars fixes que l'on
peut voir un peu partout à Rabat et Casablanca.
Je l'ai rassuré
en lui disant que ces radars étaient encore en période de test, qu'ils
n'étaient pas encore opérationnels et que leur mise en vigueur
dépendait de la mise en application du projet du code de la route, et
qu'il pouvait dormir tranquille.
Mais depuis ce temps je me suis
posé un certain nombre de questions. Etant juriste, je savais qu'en
matière pénale il existe un principe fondamental : la personnalité des
peines et des sanctions en vertu duquel nul n’est punissable qu’en
raison de son fait personnel. C'est ainsi qu'en matière de
contraventions au code de la route, seul le conducteur du véhicule peut
être punissable, indépendamment du fait qu'il soit propriétaire ou non
de ce véhicule, et exceptionnellement en ce qui concerne les
contraventions relatives à la situation juridique du véhicule
(assurance, immatriculation, vignette...)
Bien entendu, tout en
sachant qu'en Droit français, il y existe un certain nombre
d'exceptions au principe de la personnalité des peines
contraventionnelles, notamment en matière de stationnement (article
L.21-1 du code de la route français: " Par dérogation aux dispositions
de l'article précédent, le titulaire du certificat d'immatriculation du
véhicule est responsable pécuniairement des infractions à la
réglementation sur le stationnement des véhicules pour lesquelles seule
une peine d'amende est encourue, à moins qu'il n'établisse l'existence
d'un événement de force majeure ou qu'il ne fournisse des
renseignements permettant d'identifier l'auteur véritable de
l'infraction."); il faut dire que, personnellement, je n'ai pas encore
relevé de dispositions équivalentes dans la législation marocaine
actuelle.
En revanche, et alors que le droit français ne
contrevient au principe de la personnalité des peines que dans des cas
bien limités (le cas du stationnement), il faut remarquer qu'une
disposition contestable et très générale a été prévue par l'article 139
du projet de code : "Lorsqu'une infraction à la présente loi et aux
textes pris pour son application, sanctionnée par une amende, est
commise avec un véhicule, immatriculé au nom d'une personne physique,
et que le conducteur n'a pas été identifié, au moment de la
constatation de l'infraction ou n'a pu être identifié par la suite, cette infraction est censée avoir été commise par le titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule. Le contraire peut être établi par tout moyen de preuve."
En
langage clair, cela veut dire que pour toutes les contraventions punies
d'une simple amende, c'est le propriétaire du véhicule qui est présumé
avoir commis la contravention...même si ce n'était pas lui qui était au
volant. L'Etat déborde d'ingéniosité en vue de remplir ses caisses, au
détriment du bon sens et de l'équité.
Quid alors de ces radars fixes ?
Si
le principe de la personnalité des peines est toujours d'actualité
lorsque ces radars seront devenus opérationnels, et tant que le projet
de code n'aura pas été approuvé, du moins dans sa version actuelle,il
est à craindre que l'utilisation des radars fixes en vue de constater
les excès de vitesse ne soit illégale du fait que cette constatation
est une violation du principe de la personnalité des peines et surtout
celui de la présomption d'innocence.